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2016, la force de police appelée Security a frappé fort la mafia qui doit maintenant se relever pour survivre
 
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Mar 11 Avr - 11:09






De tout et de rien



Nom : Foxdadt

Prénom : Creiseau, Mathias

Âge : 26 ans

Flamme : Foudre

Famille :Corenzo

Grade : Gardien de la Foudre

Rang personnel :
Code:
Grand blond aux idées noires


Info. perso. :

Salutations! J'ai connu ce forum il y a longtemps, mais la vie (études, boulot, autres) m'en a éloigné. Je suis heureux de revenir :)


Comme on dit: "I was there, Gandalf... Thousands of years ago..."


Également, il faut souligner que KAMINA EST EPIC AINSI QUE A NEW DESTINY o/


Mon avatar est généré via Midjourney





Codage by Lamire








♣Introduction♣



Un brancard fracassa les portes battantes des urgences. Ana sursauta, lâchant son sandwich au sol et se levant d’un bond. Elle suivit des yeux les trois infirmiers qui poussaient le lit puis regarda d’un air désolé sa pause repas, à ses pieds.

Alors qu’elle songeait à briser les règles d’hygiènes les plus élémentaires pour combler sa faim, le bruit d’une commotion attira son attention ; de nombreux collègues s’étaient massés autour du nouvel arrivant et semblaient débattre vivement.

Curieuse, Ana ramassa rapidement ses restes de déjeuner et les fourra distraitement dans la poche de sa blouse, avant de se diriger vers l’assemblée. Un chirurgien, l’uniforme tâché de sang, haranguait le reste du service urgentiste:

Vous ne comprenez pas, c’est un Corenzo ! Meilleur ou pas, mieux indiqué ou pas, Hyppocrate ou pas, en danger ou pas, je ne l’opérerai pas ! Dans son état, le risque qu’il me clamse entre les doigts est trop grand ! Et ne vais foutre en l’air ma vie pour la gloire d’avoir voulu sauver ce trou du cul !

Ana fut surprise de la véhémence de Karl, d’ordinaire assez placide ; elle fut d’autant plus surprise que sa tirade semblait trouver écho auprès de la plupart de ses collègues, au vu des moues d’approbations et de leurs hochements de tête.

Elle joua des coudes pour se rapprocher et manqua de glisser sur le sol ciré taché d’une ribambelle de tâches de sang, provenant de l’entrée du service. Suivant les traces, son regard remonta jusqu’au matelas du lit ; il était si imbibé que des gouttelettes carmin perlaient sur le côté avant de tomber au sol.

La jeune docteure fut choquée par le tas de compresses de gaze rouge cramoisi qu’une infirmière s’évertuait à presser contre une épaule où semblait s’ouvrir un trou béant. Malgré la quantité de tissu absorbant, du sang maculait les draps blancs et les vêtements du l’inconnu, en réalité d’étoffes usagées, souillée d’hémoglobine, jetées là dans l’urgence.

À ce constat, Ana porta la main à sa bouche et fixa le visage du patient, par réflexe. Il était étendu, pâle et inconscient. Elle ne distinguait pas bien ses traits à cause du masque à oxygène et de ses cheveux collés par l’hémoglobine, plaqués sur ses tempes ou sur son front.

Le ton monta subitement d’un cran lorsqu’une chirurgienne, Constanze, tout juste sortie du bloc et ayant fait irruption dans l’assemblée, hurla:

Vous n’allez tout de même pas ergoter et laisser se vider de son sang en plein milieu du couloir ?, demanda-t-elle en s’emparant du brancard, il est en état d’urgence critique !

Voyant que Karl s’apprêtait à répondre, la chirurgienne lui jeta une paire de gants à la figure avec violence:

Silence ! Franzeska a eu la présence d’esprit de me prévenir, j’ai écourté une opération ; tu me remplaces et je prends celui-ci, ordonna-t-elle. Franzeska, vous, vous et vous tous, là, fit-elle en pointant vaguement les personnels les plus proches en incluant Ana, vous venez avec moi.

L’apprentie docteure, jusqu’alors plongée dans un état second en raison de toute la commotion, se réveilla brusquement. Elle fut la seconde à poser une main sur le brancard pour aider Constanze à le diriger vers la salle d’urgence.





♦Physique♦




Le mouvement aspira tous ceux que la chirurgienne avait nommé et ils coururent vers les portes battantes. Le cortège laissait tellement de sang dans son sillage que des internes les suivaient pour essuyer le sol.

Patient, symptômes !, commanda aussitôt la cheffe autoproclamée de l’opération d’une voix de stentor.

Creiseau Mathias Foxdadt, 26 ans, groupe A+ ; un mètre quatre-vingt-dix-huit pour cent vingt kilos. C’est un Corenzo connu !

Les symptômes !, intima la chirurgienne avec impatience en poussant une porte.

Importante blessure par arme blanche à l’épaule gauche. Une grande lame a traversé l’articulation. L’artère axillaire est sectionnée, continua l’infirmier qui tenait la perfusion. La plaie n’est pas destructive, mais il porte du kevlar ; il y aura peut-être des morceaux dans la plaie.

Ils pénétrèrent dans la pièce stérilisée, laissant derrière eux les internes qui nettoyaient. Ana rentra avec eux. Elle retrouva les restes de son repas qui lui semblait maintenant bien lointain et les jeta dans une poubelle de la salle de décontamination.

Apprentie chirurgienne, elle n’en était néanmoins pas à sa première opération et suivit scrupuleusement le protocole de désinfection aussi vite que tous les autres, avant de se rapprocher de Constanze.

Cette dernière, penchée sur le patient, aidait deux infirmiers en soulevant les lanières du gilet pare-balles pour qu’ils les sectionnent. Ana les aida à retirer la lourde protection, qu’ils jetèrent pêle-mêle dans un coin de la salle.

L’anesthésiste arriva au même moment et leur fit signe qu’il était prêt ; les infirmiers finirent tant bien que mal de désinfecter le corps du blessé, douchant le colosse de gaz stérilisant le plus rapidement possible.

Ils rentrèrent dans le bloc. Lorsque le chariot s’arrêta, le silence qui régnait frappa Ana, qui était habituée à entendre et recevoir des ordres ; mais à cet instant et dans cette salle, elle observa les personnels expérimentés se mouvoir comme un seul être, animés par l’urgence. Elle prit néanmoins sa place près de Constanze pour pouvoir l’assister.

Déjà, cette dernière retirait les débris de la plaie avec l’aide une infirmière. L’apprentie chirurgienne réalisa alors l’ampleur des dégâts ; une section béante s’ouvrait de la clavicule jusqu’au pectoral. Elle déglutit en imaginant l’autre côté ; l’omoplate devait être fracturée en deux, en son centre.

Le mafieux avait une chance inouïe d’être toujours en vie.

L’anesthésiste vint faire son office et plongea le blessé dans une inconscience contrôlée. Le radiologue profita que Constanze aille chercher des outils pour prendre sa place. Il s’échinait à transporter son scanner miniature. D’une main experte, sans utiliser les dispositifs d’aide au réglage de mesure offerts par l’appareil, il captura l’épaule aux rayons X et à l’échographie puis s’en alla les imprimer et les suspendre. Les deux chirurgiennes étudièrent un instant les clichés sur lesquels transparaissait une ossature lourde, plus épaisse que la moyenne.

Ana nota, comme elle s’y attendait, la présence d’une impressionnante fracture verticale du corps de l’omoplate ; elle crut également discerner un certain nombre de fêlures récentes, ainsi que des traces de blessures plus anciennes. Constanze lui exposa sa stratégie et elle n’avait rien à y redire ; s’emparant d’une paire de ciseaux, elle posa sa main sur un pectoral ferme et découpa le tee-shirt du patient, révélant une musculature puissante et ciselée, probablement le résultat d’un exercice intensif et régulier.

La chirurgienne se mit au travail ; elle incisa les chairs perpendiculairement à la plaie afin d’accéder aux bouts de l’artère, qu’elle clampa avec l’aide de son apprentie. Cette dernière, moins utile qu’à l’accoutumée malgré l’ampleur du travail, s’autorisa à laisser son esprit et son regard divaguer, d’abord dans les détails sanguinolents de la plaie, puis le long du bras nu du blessé.

Ana remarqua que l’épiderme pâle du mafieux était marquée de nombreuses cicatrices. Elle identifia des coups de couteau sur le flanc gauche, de la chevrotine sur le pectoral droit et une brûlure qui s’étendait de sous ses côtes jusque dans son dos. D’autres marques et de multiples bleus mouchetaient sa peau, mais semblaient banals en comparaison.

Se penchant un peu plus, comme pour mieux regarder les gestes sûrs et précis de Constanze, elle détailla la tête du patient. Ses cheveux, bien que tachés de sang, resplendissaient d’un blond éclatant, semblables à des rayons de soleil. Relativement longs, leur épaisseur les poussait à se rassembler en larges épis dorés. Ils formaient une auréole sur le matelas, mais une auréole sauvage ; comme si l’homme arborait une crinière. Sous cette imposante ornementation capillaire s’étendait un front bombé. Il n’était ni trop long, ni trop court.

Ana, désormais plus intriguée par le patient que par la manière de le soigner, ne put empêcher son regard de dériver lentement le long de la ligne inclinée formée par les sourcils blond cendré, puis de l’arrête du nez qui, résolument grec, se prolongeait sans discontinuité depuis la base du front avant de s’arrêter abruptement au-dessus des lèvres. Ces dernières, peu visibles sous le masque à oxygène, étaient si fines que l’apprentie chirurgienne aurait pû jurer qu’elles étaient pincées si elle ne les savait pas sous anesthésie.

La tête du jeune homme dans son ensemble, son halo d’épines dorées, ses sourcils naturellement inclinés, ses lèvres pincées, mais également ses pommettes aussi légèrement saillantes que ses joues n’étaient creusées, donnaient un aspect sévère mais digne au Corenzo malgré son sommeil chimique.

La finesse et la droiture de ces traits contrastait avec la puissance qui se dégageait de cette musculature ciselée tout en rebonds où se dessinaient veines et tendons ; il était d’une constitution olympienne.

Secouant la tête, Ana s’extirpa de la contemplation des reliefs du cou épais et musculeux, presque animal, de son patient. Elle replaça une mèche de ses cheveux d’un geste du poignet et fixa de nouveau son attention sur l’opération en cours.

Constanze avait ligaturé les deux morceaux de l’artère pour enrayer l’hémorragie et s’apprêtait à prélever une veine saphène pour pouvoir faire un pontage. Impressionnée par l’efficacité de la vétérane, la jeune femme la suivit diligemment alors qu’elle découpait sans ménagement le pantalon de combat du voyou aux ciseaux épais, taillant même dans le cuir de la ceinture.

Les infirmiers relevèrent la jambe du blessé et découpèrent le caleçon qui lui servait de sous-vêtement. Gênée par son désir de continuer sa contemplation, l’apprentie fit de son mieux pour focaliser son attention sur les gestes de sa doyenne qui opérait désormais sur l’intérieur de la cuisse pour prélever un peu de veine. Elle déplaça le sexe sur le côté et ouvrit, d’un coup de bistouri expert, l’épais gigot recouvert de poils blonds.

Incapable de ne pas fixer son attention sur le point qu’il ne fallait pas regarder, Ana préféra se concentrer sur les bottes du mafieux. Il s’agissait de bottes de combat en cuir grainé noir, qui faisaient visiblement l’objet d’un soin particulier de la part de leur propriétaire. Lacées de bleu Corenzo, elles étaient impeccables aux taches de sang près. De plus, elles étaient cloutées et semblaient coquées. Constanze finit d’extraire le morceau de veine saphène. Sans vraiment s’occuper de la stagiaire, elle se dirigea de nouveau vers l’épaule du patient et y effectua le pontage de l’artère.

Elle avait découpé la veine dans sa longueur pour la retourner afin que la paroi interne soit à l’extérieur. Cela éviterait les transferts membranaires non-désirés. Elle l’avait découpée en plusieurs morceaux qu’elle bataillait désormais pour raccrocher d’un côté et de l’autre l’artère, qu’ils aideraient à cicatriser et jouer son rôle plus rapidement ; une fois cette partie terminée, elle rattacha les deux morceaux de l’axillaire ensemble.

Constanze leva les bras en signe de victoire ; le plus dur était fait. L’équipe se détendit brusquement et tous soufflèrent.

[…]

Ana, qui s’était éclipsée en catimini de la salle de pause, rentra dans la chambre de son patient et fut surprise de voir le dos du mafieux. Ce dernier était figé au milieu de la chambre comme un loup aux aguets, observant l’intruse du coin de l’œil. Interdite, l’apprentie chirurgienne n’osait bouger. Elle était aussi captivée qu’effrayée par ces yeux fins aux prunelles sombres, aux pupilles si étroites qu’elles semblaient parfois verticales.

Sitôt qu’il l’eut reconnue, il détourna son regard perçant et continua à ajuster la ceinture qui maintenait son jean ; il avait perdu beaucoup de poids depuis son admission à l’hôpital. Sans être maigre, car il demeurait athlétique, cela lui donnait un air bien plus élancé et félin qu’auparavant.

La jeune femme observa, fascinée, les motifs plus clairs qui striaient le dos en face d’elle. Elle se demandait quelles batailles, quels ennemis avaient pu l’abîmer ainsi.

Routine ?

La voix grave, profonde, aux accents rauques, avait comme grondé. L’apprentie chirurgienne prit une inspiration et se rapprocha de lui.

Oui, oui, pour vérifier que la rééducation se passe bien ; c’est important, répondit-elle en se raclant légèrement la gorge.

Il la toisait du haut de ses deux mètres, impénétrable ; malgré une fatigue évidente dont témoignaient les larges cernes sous ses yeux, il n’en laissait rien paraître. Il ne s’était pas ménagé pour la rééducation et faisait souffrir les kinésithérapeutes presque autant que lui pour sortir au plus vite.

Alors qu’elle s’approchait afin de gagner l’armoire derrière lui, Ana déglutit. Elle avait cent fois rêvé qu’il ne bouge pas, qu’il lui barre la route. Mais l’homme s’écarta et alla s’asseoir sur le bord du lit.

La stagiaire en pinçait pour lui. Constanze l’avait avertie que l’on ne fréquentait pas les patients, surtout pas quand ils allaient mourir ou étaient des mafieux, ce qui revenait souvent au même d’ailleurs. Mais Ana était jeune. Plus vieille que son patient chéri, mais aussi bien plus innocente.

Elle lui fit lever le bras, lui demanda de le bouger dans plusieurs directions. Le cœur battant, elle palpait les muscles. Elle ne pouvait s’empêcher de se rappeler toutes les fois durant lesquelles elles avait rêvé plonger son regard dans le sien, se rapprocher encore un tout petit peu plus. Mais cette fois-ci comme toutes les autres, rien ne se passait. Elle n’osait pas et plus elle y pensait et plus elle se sentait mal de profiter de son autorité et de sa blouse pour se rapprocher de lui.

Si Creiseau avait une quelconque pensée à son égard, il n’en faisait restait de marbre en la scrutant de son regard dur.

Alors ? demanda-t-il, alors qu’elle palpait doucement l’impressionnante cicatrice verticale.

C’est… bien.

Ana n’avait pas vraiment préparé de réponse, car elle ne s’attendait pas vraiment à la question. N’ayant pas pris de notes au fil du temps, elle tâcha néanmoins de reprendre contenance et invoqua tous ses souvenirs du dossier du Dresdois pour répondre:

Votre kinésithérapeute est surpris de votre progression. Agréablement, bien sûr précisa-t-elle. Votre chirurgienne est également très satisfaite de la mobilité que vous avez déjà pu récupérer.

Et vous ?

Prise au dépourvu, elle ne trouva rien à lui répondre. Les lèvres du jeune homme se fendirent en un large sourire ironique, dévoilant ses dents blanches. Elles étaient fines, bien alignées ; peut-être un peu jaunies par la caféine.

Ana sentit ses joues rosir à la faveur d’une soudaine bouffée de chaleur. Elle ne pensait pas que le Corenzo, habituellement avare du moindre mot, soit capable d’humour. Elle n’osait plus bouger de sa place.

Bien. On dirait que tout est bon, fit Creiseau en se relevant, coupant court à l’examen qui se prolongeait.

Il fit volte-face et marcha vers la chemise simple suspendue plus loin, se désintéressant complètement de son interlocutrice.

L’apprentie chirurgienne se leva à son tour. Elle aurait voulu tout faire, sauf tourner les talons et sortir de la chambre.

La porte claqua un peu derrière elle, alors qu’elle s’éloignait.





♣Entracte♣



Ana toqua poliment à la porte du bureau.

Entrez, l’invita une fois éraillée, derrière.

Elle s’exécuta et referma la porte sur ses talons. Le bureau était toujours aussi particulier. Accueillant, mais étrange. Ses décorations très modernes tiraient toujours un haussement de sourcils à la stagiaire.

Ah, Ana. Tu as besoin de parler ?, s’enquit Philippe.

Comme à son habitude, le vieux psychiatre était assis sur son tabouret, devant la table d’architecte qui lui servait de bureau. À l’odeur, il devait profiter du peu de fréquentation, aujourd’hui, pour peindre un peu. Lorsqu’il ne s’adonnait pas à sa passion, il s’occupait également des patients de l’hôpital qui nécessitaient un accompagnement de nature moins physiologique durant leur rétablissement.

J’aurais une demande un peu particulière, Philippe…

Le praticien se pencha sur le côté, sa tête dépassant du côté de son pupitre, et scruta la jeune femme par-derrière ses lunettes.

J’ai peur de ce que je vais entendre. Je ne promets rien, mais vas-y. Dis-moi tout, l’invita-t-il en prenant une grande inspiration, visiblement un peu déçu de reposer son attirail de peintre.

Ana butait sur ses mots. Elle retint sa respiration et finit par lâcher:

Voilà, j’aimerais savoir ce que tu penses, en tant que psychiatre, de Creiseau. Foxdadt.

Philippe haussa un sourcil.

Tu sais très bien que je suis tenu au secret médical, lui répondit-il fermement.

Moi aussi ! Je ne dirai rien à personne après !, tenta-t-elle.

Ana…, soupira le vieil homme en ôtant ses lunettes, l’air défait.

S’il te plaît !

Bon. Très bien.





♥Mental♥



Incrédule, la jeune femme écarquilla grand les yeux. Elle était venue voir le psychiatre en désespoir de cause, elle ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il acquiesce. Et pas aussi facilement. L’homme en face d’elle se massa les yeux et remit ses lunettes.

Si je ne te le dis pas, tu vas chercher à le savoir par toi-même. Et je ne vois pas beaucoup de raisons, par ailleurs, pour lesquelles tu voudrais savoir quoi que ce soit au sujet de ce… de cet individu.

La jeune femme, se rendit compte de ce qu’elle lui avait demandé. Elle ne savait pas ce qui lui avait pris alors qu’elle allait lui proposer de renoncer, Philippe lui intima:

Je vais répondre à tes questions. Mais je ne vais pas te ménager.

Oubliant instantanément l’idée de renoncer, la jeune femme suivit l’invitation que le psychiatre avait formulée d’un geste de la main et s’assit avec lui sur deux fauteuils disposés dans la pièce.

Par où commencer ?, questionna le vieil homme en ouvrant ses notes devant lui.

Pendue à ses lèvres, Ana attendait.

« Je m’amuse à catégoriser mes patients ; je leur affuble trois caractéristiques essentielles. Rien de bien sérieux, bien sûr, même si ça m’aide à organiser mes notes et y replonger plus facilement ; ça peut marcher plus ou moins bien, mais dans le cas de Creiseau, c’est très efficace. Première caractéristique: le pragmatisme. Un pragmatisme profond, rationnel qui peut être aussi rassurant que cruel.

Il se tient loin des considérations philosophiques, intellectuelles, éthiques ou stratégiques, parce qu’elles sont souvent vides de sens pour lui ; il a besoin de s’appuyer sur des informations concrètes, de bien cerner un problème avant de tenter quoi que ce soit. En revanche, cela ne veut pas dire qu’il est stupide, volontairement ou non ; loin d’être érudit, ce mafieux est néanmoins surprenamment intelligent. Il est parfaitement conscient, par exemple, que son combat contre l’injustice se fait au prix de sa propre contradiction ; pour schématiser, que les Corenzo restent une famille mafieuse sous leurs atours bénévolents. Mais ce paradoxe n’a pas d’intérêt pour lui car, par nature, il ne peut pas être tranché de façon satisfaisante ; puisqu’il ne peut pas répondre à la question, il préfère ne pas y répondre, tout simplement.

Ce pragmatisme irrigue vraiment la personnalité de Creiseau. De là découle son méthodisme ; lorsqu’on lui donne des objectifs, il est du genre à les remplir linéairement jusqu’à ce qu’il ait atteint le bout de la liste. De ces manies de vouloir tout découper et compartimenter est né un sens étrange des priorités ; puisqu’il doit exister, vivre, remplir les objectifs de sa famille ainsi que les siens propres, mais que son temps est fatalement limité, il rationalise tout ce qu’il a à faire en permanence, relativise, calcule et ajuste son programme. En ce sens, il peut se conduire de façon vraiment mécanique, ou plutôt, froidement logique. C’est ce qui lui permet d’être le bourreau de travail qu’il est, y compris dans le sens le plus sombre du terme. Il a déjà fait couler le sang, d’ailleurs, si tu en doutais ; pas par plaisir, mais parce que cela devait être fait. Dans le même ordre d’idée que ce détachement, tu as déjà dû t’apercevoir de sa retenue ; il ne manque pas d’initiative ou de courage, bien au contraire, mais rechigne à s’aventurer en terrain inconnu ou jouer sans connaître le jeu de l’adversaire.

Finalement, il faut souligner que malgré tout ce que j’ai pu dire, Creiseau n’est pas une machine cruelle ; lorsqu’il remplit ses objectifs, il ne se contente pas du minimum mais veille à toujours à faire au mieux, même si c’est sous le prétexte de ne pas vouloir y passer à nouveau du temps plus tard. »

Philippe marqua une pause, visiblement arrivé au bout d’une page de notes. Il se leva pour faire du thé ; Ana se détendit en s’enfonçant dans son fauteuil, digérant les informations. Le vieil homme revint bientôt avec deux tasses fumantes.

« Deuxième caractéristique essentielle: l’humanité. Pas seulement en tant que qualité individuelle, mais également une attente, une exigence vis-à-vis de ses semblables. C’est la raison pour laquelle il croit aussi fermement aux valeurs des Corenzo, de façon presque religieuse, en opposition à son rationalisme: il a foi en en la valeur qui réside en chacun ainsi qu’en la capacité de l’humanité à progresser. Il est ainsi guidé par ces impératifs moraux et éthiques, ce qui le pousse à faire preuve d’une loyauté indéfectible mais aussi d’un fort altruisme. Derrière son sourire acide et ses remarques caustiques, il y a quelqu’un de bien. Je peux le sentir. Il est plus sensible que ce qu’il laisse paraître, mais il faut creuser un peu pour le voir. C’est peut-être ça qui fait la différence entre un mafieux ici, et un autre ailleurs ; la capacité, même discrète, de comprendre ce que les autres éprouvent, se mettre à leur place, et d’avoir de la compassion.

Cela ne veut pas dire pour autant qu’il soit particulièrement optimiste à propos du futur ; je ne saurais pas dire, en réalité, si c’est un optimiste dépressif ou un pessimiste qui se soigne. Il est cynique la plupart du temps, mais est aussi parfois nihiliste, lorsque la réalité semble lui prouver qu’il a tort. Dans ces-moments là, il ne peut ni rejeter la réalité en raison de son pragmatisme, ni se départir de ses valeurs, en raison de l’absolu qu’ils représentent. La seule issue pour lui est alors s’accrocher en se plongeant à fond dans son travail.

Cette exigence d’humanité le pousse aussi à systématiquement devenir une meilleure version de lui-même, toujours plus en mesure d’aider les autres et d’améliorer la situation de notre monde. Il semble être un excellent camarade, qui n’hésite pas à se sacrifier au nom de ses idéaux ou pour protéger sa famille ; capable de mettre de côtés ses peurs, ses doutes et ses craintes pour mener à bien son objectif ou aider ses camarades, même dans les pires moments. C’est probablement ainsi que le perçoivent la plupart des gens ; une grande gueule toujours souriante, à la gaieté insolente et inaliénable.

Creiseau agit donc comme une sorte de "force tranquille", continua le psychiatre en mimant des guillemets avec ses doigts, c’est n’est pas quelqu’un qui rassemble les gens autour de lui ou qui les guide dans une direction, mais il contribue à les souder et à les pousser dans la bonne direction. Cela lui est permis par son extraordinaire résilience, car il a vécu et continuera à vivre une vie difficile mais encaisse les coups comme j’ai rarement vu quelqu’un le faire. »

Ana écoutait attentivement, silencieuse. Philippe ramena les tasses de thé et sirota légèrement le sien.

« Finalement, dernière caractéristique essentielle: sa violence autodestructrice. Malgré son humanité et son pragmatisme, héritages d’une civilisation évoluée, il est habité par une sauvagerie primale et fait preuve d’une fureur qui n’est contenue que lorsqu’elle ne doit pas s’exprimer. Peut-être t’es-tu déjà retrouvée seule avec lui dans une pièce ; si ce n’est pas le cas, je te déconseille cette expérience, car elle est très déplaisante. Dans certains moments, il peut se révéler terrifiant. En réalité, au-delà de sa bestialité, c’est justement son caractère évolué qui me rend encore plus mal à l’aise.

C’est un autoritaire idéaliste ; il justifiera sans mal l’emploi de cette férocité qu’il contient, sous le prétexte d’un risque ou d’un danger pour ses idéaux. Il ne faut pas oublier que c’est un mafieux, qu’il a choisi cette voie et qu’il a décidé de continuer à l’arpenter. Cette violence, il l’utilise aussi bien contre ses ennemis qu’il en est victime ; c’est ce qui le pousse à sacrifier sa vie, certaines relations, son confort. En ce sens et puisqu’il est incapable de cruauté, il est lui-même sa première et sa pire victime.

Toujours pressé, toujours à la poursuite de quelqu’un ou quelque chose, il vit dans la précarité et l’urgence, sans jamais se poser. Il n’a rien en dehors de son… travail ; pas d’amis ou de famille extérieurs, pas de passions mais que des passes-temps. Il vit littéralement pour continuer à remplir son rôle, comme autoinvesti de sa propre identité. »

Le psychiatre croisa les jambes. Il fixa Ana, interdit. Après une courte pause, il reprit, sans regarder ses notes.

Je me doute, Ana, de la raison pour laquelle tu veux en apprendre plus sur cet homme. Nul besoin d’être psychiatre ou même particulièrement empathe pour comprendre ; ta fascination pour lui crève les yeux.

La chirurgienne allait répondre, se défendre, mais son interlocuteur la coupa d’un geste sec de la main.

Je ne vais pas te répéter ce que d’autres ont dû te rabâcher ad nauseam. Je ne suis pas ton père et même si je l’étais tu es majeure et maîtresse de ta propre vie. Mais je tiens à souligner qu’il n’y a pas place pour toi dans son existence. Tu seras toujours inquiète, tu le verras rentrer à moitié agonisant. Pire ; tu seras toujours reléguée au second plan de ses priorités et tu subiras le courroux de ses adversaires, tu serviras de monnaie d’échange. Il n’y a certes pas d’autre issue à la vie que la mort, mais ce n’est pas ça qui t’attend si tu décides de le poursuivre dans le monde la mafia ; c’est la souffrance. J’y ai perdu suffisamment d’amis et de connaissances pour pouvoir te l’affirmer avec certitude.

Sonnée, la jeune femme ne savait pas quoi répondre. Un silence s’installa. Le psychiatre finit par lâcher:

Outre cela, je pourrais pêle-mêle te dire qu’il est connaisseur d’armes à feu, un peu bricoleur à ses heures perdues, dessinateur du dimanche, qu’il aime écouter des musiques atmosphériques, mais je ne suis pas sûr que cela t’intéresse, conclut-t-il, en essuyant ses lunettes, lui faisant tacitement comprendre qu’il la congédiait.

Sans un mot, la femme se leva, marmonna un merci et s’en alla sans en demander plus.


Creiseau Foxdadt
Corenzo
¤Guardiano della Fulmine¤
Humeur noire
Creiseau Foxdadt
Masculin
Citation : Le dormeur doit se réveiller
RP en Cours : /
Double Compte : Pas pour l'instant

Fiche de Personnage
Flamme(s): Foudre (A)
Réputation:
Creiseau Foxdadt Left_bar_bleue10/100Creiseau Foxdadt Empty_bar_bleue  (10/100)
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Dim 30 Avr - 16:47




♠Histoire♠



Creiseau plongea en avant. Il sentit le sifflement du métal qui découpait l’air, juste derrière lui. Cette fois, il avait pêché un gros poisson. Le temps s’annonçait orageux.


Le bruit de la gifle résonna dans toute la pièce, couvrant la pluie battante pour un instant. Creiseau, désorienté, tomba au sol. Il cligna des yeux plusieurs fois pour chasser le voile trouble recouvrait sa vision. Une ombre recouvrit le plancher où reposaient ses mains et, levant la tête, il vit une forme floue.

Son père l’empoigna par le col de son manteau et le plaqua violemment contre le mur. Le garçon détourna la tête pour ne pas sentir les bouffées d’alcool, mais aussi pour ne pas affronter ce regard furieux qu’il connaissait. Plus loin, il vit que ses sœurs épiaient la scène derrière la porte de leur chambre commune ; leurs petits pieds formaient des ombres dans l’interstice avec le sol.

Son père lui empoigna le menton de sa main rêche et le força à le regarder dans les yeux.

Qu’est-ce que t’as encore foutu ?, lui hurla son paternel.

Sa gueule puait encore plus l’alcool qu’à l’accoutumée.

Je t’ai dit que j’avais rien fait !, essaya de répondre Creiseau sur le même ton, mais dont la voix flanchait.

Arrête de me mentir, les flics sont venus tout à l’heure, ils te cherchaient !

Je sais pas, peut-être qu’ils avaient flashé sur moi !

Son père, le regard mauvais, le fracassa contre le mur.

Petit con !

L’ouvrier lâcha Creiseau, qui manqua de s’effondrer au sol. Il sentait le goût du sang dans sa bouche.

Tu finiras camé jusqu’à l’os au fond d’un caniveau, si tu continues comme ça !

Je touche pas à ces merdes, moi !, répliqua l’adolescent, qui reprenait du poil de la bête.

T’insinues quoi, là ? Hein ?, rétorqua son père, en faisant volte-face.

C’est pas moi qui pue l’alcool toute la journée ou qui titube jusque dans le canapé tous les soirs !

Si Creiseau était déjà bien charpenté à quatorze ans, il était encore loin de faire le poids face à la force de la nature qu’était son père. Cependant, celui-ci sembla rapetisser ; son fils, lui, se sentait pousser des crocs.

C’est pas moi qui suis trop affairé à comater dans un bar pour m’occuper de mes enfants, c’est pas moi qui dépense l’argent des courses dans du schnaps pour oublier ma vie misérable !, hurla le blond de toutes les forces de ses jeunes poumons.

À ces mots, l’homme en tablier se tut, puis fondit en larmes. Réalisant qu’il avait été dur envers son paternel, qui faisait de son mieux pour faire vivre la petite famille malgré sa paie encore plus petite, Creiseau, qui allait enfoncer un peu plus le clou, se ravisa, réfléchit à quelque chose à lui dire. Il restait son père.

Pardonne-moi mon fils, d’être aussi misérable…

Cet appel au pardon raviva la flamme de la colère chez l’adolescent. Courroucé, il ouvrit la porte de leur chambre, prit ses sœurs par la main et les emmena dehors.


Pour ne rien arranger, il n’était pas dans un quartier qui lui était particulièrement familier. Foutue ville ! Creiseau jeta un coup d’œil derrière lui et se jeta sur le côté. La gigantesque lame de métal se planta dans la pierre pavée du trottoir comme si cela avait été sa chair, avec un bruit sourd. Il profita du court temps mort que lui offrait la manieuse en dégageant sa lame pour s’écarter, enflammer sa bague et ouvrir ses boîtes. Il doutait que le pare-balle, bien que renforcé avec une plaque de titane, lui soit d’une quelconque utilité contre ce tranchant. Mais désormais, il pouvait riposter.

Son ennemi dégagea sa faux et marqua un court arrêt pour détailler l’équipement de Creiseau. Celui-ci en fit de même.

Devant lui, une brune typée asiatique au regard sévère. Costume trois-pièces, chaussures de ville, clope au bec et faux en main. Le quotidien d’un mafieux du vingt-et-unième siècle, en somme. Le Corenzo avait quant à lui jeté sa cigarette il y a cinq minutes déjà, avant de courir le sprint de sa vie.



La fine porte claqua devant lui. Creiseau accéléra sa course et la défonça d’un coup d’épaule. Il tomba, se ramassa en boule et bondit sur ses pieds, juste à temps pour voir venir un tuyau de plomberie vers son visage. Rapidement, presque par réflexe, l’adolescent plaça ses bras devant sa tête, se pencha sur sa gauche et lança son pied à l’opposé.

Il toucha sa cible au pelvis, juste à côté de ce qui devait sans doute être la partie la plus importante de son anatomie grasse. Le tuyau l’atteignit lui aussi, mais dérapa sur ses coudières. Le blond revint sur deux appuis indemnes, tandis que sa cible était à terre. Il en profita pour essuyer la sueur qui perlait sur son front, en l’écrasant contre sa cagoule. Il administra ensuite un violent coup de rangers au commerçant qui essayait de se relever.

Ça, c’est pour m’avoir fait courir, enculé. Et ça fit-il en se saisissant du bras de sa victime, c’est pour avoir refusé notre protection.

Non ! Non ! Non ! je…

Se ravisant et renonçant à l’idée de lui casser le bras au dernier moment, Creiseau lui fracassa néanmoins le nez avec son genou ; le reste de la phrase s’évanouit dans le bruit sec du craquement d’os qui s’ensuivit, envoyant l’homme au tapis.

Le voyou tourna les talons en massant son épaule endolorie et descendit les escaliers qui menaient au rez-de-chaussée dans le magasin. En le voyant, les quelques curieux qui étaient restés après le remue-ménage prirent immédiatement leurs jambes à leur cou.

Grand, costaud, cagoulé, tout de noir vêtu, une bosse équivoque au niveau des hanches, le grand blond inspirait la peur et il le savait. Cet égard était nécessaire pour se faire une place dans cette vie. Presque naïvement, il fit ses courses en se servant en paquets de tabac ou nourriture sur les étagères et dans la caisse, pour se dédommager du déplacement. Il s’assit sur le siège de l’épicier pour compta ses recettes, ce dernier ayant arrêté de sangloter en haut, sans doute pour s’évanouir. C’était plutôt une bonne journée.

Lorsqu’il se leva, son genou heurta un objet lourd, sous le comptoir ; intrigué, il se baissa pour y jeter un œil et vit un fusil.

La vue de cette arme, qui se révéla chargée, provoqua un haussement de sourcil de la part du malfrat en devenir. Pourquoi ce con de marchand de tapis ne s’en était-il pas servi ? Peu importait. L’objet se retrouva bientôt dans le panier, à côté des pâtes et des cornichons. Tous ceux qui avaient dit que le crime ne payait pas n’avaient jamais connu l’illégalité, pensa-t-il, non sans une pointe de fierté.

Il renonça à sortir par l’entrée principale et emprunta celle de secours. Dans la cour de l’immeuble, il se cacha rapidement dans un renfoncement, où il enleva le pull trop large qui cachait ses coudières. Il ôta son attirail et sa cagoule, qu’il fourra dans son sac à dos ; il y plaça aussi les victuailles dérobées.

Puis Creiseau regarda l’arme en détail.

C’était un fusil de chasse à deux canons, placés horizontalement, comme on en voyait souvent dans les films ou dans les jeux. Il n’était pas particulièrement beau. Pas de ciselures, pas de gravures ; le métal comme le bois étaient abîmés, sans que cela ne contribue àà un quelconque charme. Cela importait peu, il lui servirait ou se vendrait bien.

D’une main sûre, l’adolescent plia le fusil pour le faire rentrer dans son sac. Il jeta les deux cartouches dans la poche avant, pour éviter qu’elles ne lui explosent trop près du dos, au cas où. Il activa le mode "ne pas déranger" de son téléphone, mit ses écouteurs et relança la lecture de la leçon de droit pénal qu’il allait faire réviser à sa sœur en rentrant. Puis il alluma une cigarette et traça sa route jusque chez lui.

Arrivé près de son immeuble, il remarqua que quelque chose n’allait pas. Il promena ses prunelles noires acérées devant lui. Les rues étaient trop désertes. Quelques passants marchaient, mais tête baissée et les habitués du quartier, les gosses, les vieux, n’étaient pas là. Il vit ensuite les voitures. Dans cette zone de la ville, les voitures pouvaient être deux choses: pourries ou volées. Et le blondin savait reconnaître les unes aussi bien que les autres ; celles-ci n’étaient pas du coin.

Creiseau, soudainement inquiet, enleva ses écouteurs qu’il fourra dans sa poche ; dans le même temps, il tourna dans une rue perpendiculaire, où il força un peu sur une vieille porte pour l’ouvrir. L’adolescent sortit son portable. Trois appels manqués. De plus en plus inquiet, il posa le téléphone sur une marche et écouta les messages laissés par ses amis.

Mec, t’es où ? C’est le bordel ici, des voitures sont arrivées et des gars en sont descendus et ils fouillent tous les immeubles ! Greg’ et sa bande ont tenté de s’opposer, il se sont fait défoncer ! Les mecs ont genre des flammes de je sais pas… Merde ! Ils arrivent !

Crei’, ne retourne surtout pas au bercail. Des mecs genre forces spéciales ont débarqué, ils ont bloqué tout ce qui se trouvait à trois pâtés de chez toi. Les flics sont avec eux.

Paul l’avait appelé, mais n’avait pas laissé de message. Il regarda l’horodatage en chargeant le fusil. Ses amis avaient appelé il y a une demi-heure. Tout juste quand il partait de l’épicerie.

Putain de bordel de merde, jura le blond.

Il vérifia machinalement si l’antique Tokarev rouillé qu’il gardait planqué dans son caleçon était chargé. Puis il renfila son équipement et vida son sac avant d’y cacher le fusil, comme il le pouvait. Il échafauda ensuite un plan.

Les voitures étaient garées devant son immeuble. Il passerait par derrière, par l’appartement abandonné du vieux Wil’, dans l’immeuble d’à côté. Puis grâce à son double des clefs, par la porte de service qui fait la jonction entre les deux bâtiments. Et après, il leur niquerait leurs mères. Simplement.

Creiseau rouvrit la porte devant lui.

Creiseau émergea quand on le jeta au sol. Hébété, il secoua la tête. Ses pieds et poings étaient liés. Sa bouche, bâillonnée, ce qui ne lui évitait pas le goût amer de son propre sang. Il n’avait même pas eu le temps de sortir de la cave. Il avait vu la lumière et puis plus rien, sinon une douleur qui se répercutait encore entre ses tempes. Et désormais, il se trouvait dans l’appartement délabré mais fonctionnel qu’il utilisait comme quartier général avec ses amis, les Pirates de Hambourg. Ceux-ci étaient d’ailleurs saucissonnés à côté de lui et le regardaient, tout aussi perdus et impuissants. Autour d’eux s’activaient une demi-dizaine d’hommes armés, qui éventraient les matelas, déchiraient des oreillers, donnaient des coups dans les murs, arrachaient les tapis tête-de-mort du sol.

La porte de la pièce d’à côté s’ouvrit sur un homme. Il traînait, derrière lui, l’un des camarades de Creiseau, qu’il jeta sans plus de ménagement à côté des autres avant de se tenir devant eux, comme s’il voulait leur parler. Le blond sentit ses poils se hérisser et ses intestins se nouer. Ce gars-là, Creiseau ne le sentait pas.

Ils étaient dans la merde.


Creiseau regarda son adversaire sans se départir de son sourire ; il renonça à écraser une goutte de sueur qui coulait sur sa tempe, de peur de lui offrir une ouverture et cracha par terre sans la quitter des yeux. La première passe d’armes avait été à la hauteur de la flamme de l’inconnue, dont la lame était passée très proche du Corenzo à plusieurs reprises. Son fusil notamment, avait failli être touché et valdinguer.

Elle tournait autour de lui comme un chat, jonglant négligemment avec sa faux, cherchant un angle d’attaque. Le fusil de l’allemand était abaissé. Il restait la moitié des balles dedans. L’ennemi serait sur lui le temps qu’il épaule.

Les deux manieurs de flammes en eurent assez d’attendre l’autre au même moment et bougèrent ensemble. Le grand blond leva son canon et tira une salve de balles, tandis que l’étrangère lui fondait dessus, laissant une traînée bleutée dans son sillage.

L’arme s’enraya avec un craquement sec sans qu’aucune balle n’ait fait mouche, son mécanisme paralysé par l’alourdissement causé par les flammes de pluie.

Fils de pute !, lâcha Creiseau à l’intention de son fusil, avec un rictus.

Son ennemi bondit et arma son coup à deux mains, effectuant un moulinet de son arme pour la brandir au-dessus de sa tête. L’allemand jeta son bout de métal inutilisable à terre et empoigna fermement son bouclier à deux mains. Il renforça ses appuis au sol et banda tous ses muscles dans l’attente du choc.

L’inconnue hurla. Il grogna en retour.

La faux heurta violemment le bouclier de polycarbonate avec un bruit sourd. Les flammes de pluie arrachèrent celles de la foudre et la physique classique reprit ses droits. Les bras, puis le corps de Creiseau vibrèrent tous entiers jusqu’au dents, tandis que la surface transparente se déformait pour mieux absorber l’impact. Une fêlure apparut au niveau des yeux de son porteur, qui croisa le regard de son adversaire, le temps d’un flottement.

Puis, la pointe de la faux dérapa dans un crissement abominable le long de la courbure du bouclier. L’instinct de l’allemand reprit le dessus et il avança d’un pas en avant pour donner un grand coup de bouclier. L’inconnue encaissa le choc de plein fouet et tomba à la renverse.

Avant de toucher le sol, elle se ressaisit cependant et reprit ses appuis, avant de s’éloigner un peu du mafieux et de se remettre en garde. Elle resta à bonne distance, un frisson électrique lui faisant encore tressauter la paupière.

Une fissure ornait désormais le bouclier, juste au-dessus de la bande qui épelait Corenzo. Les deux s’observèrent, tous sourires, mais Creiseau réfléchissait à toute vitesse ; il avait beau jeter des coups d’œil à droite et à gauche, il savait comment ça se passait. Personne n’interviendrait avant la fin des combats. Il savait aussi qu’il n’y avait aucun autre traqueur, ici. Il ne bénéficierait d’aucune aide, d’aucun soutien. Son adversaire était très coriace. Même s’il avait pu repousser un assaut, il se rendait désormais compte qu’il n’avait peut-être pas approché ce combat de la meilleure des façons et que n’était qu’un coup d’une fois. Il sourit. Il doutait de pouvoir réitérer l’exploit de rester indemne.


Ils sont dans la merde, souffla Elza.

On va leur mettre une branlée monumentale, renchérit Creiseau, un sourire féroce aux lèvres.

Sa camarade se retourna vers lui en faisant la moue et le jeune homme l’imita comiquement.

Sois un peu sérieux !, lui intima-t-elle.

Non, ça va aller, je me porte très bien comme ça !

Vous avez fini ? On peut y aller ?, leur fit William, impatient, depuis la banquette arrière.

Ouais, ouais, on va y aller, on sait que t’es impatient de toucher ta retraite.

À ces mots, ils ouvrirent les portes de la berline. La fraîcheur de la nuit les cueillit à la sortie, comme ils s’apprêtaient à cueillir ces malfrats. Creiseau et ses collègues ne claquèrent pas les portes du véhicule. Elza s’agenouilla derrière l’une d’entre elles, laissant les deux hommes s’approcher de la scène singulière qui se déroulait depuis maintenant une demi-heure sous leurs yeux.

Dans la pénombre qui les entourait, Creiseau et William firent flamber leurs bagues, éclaboussant leurs visages et les murs environnants d’un mélange de vert et de violet rougeâtre. Tout en continuant de marcher vers leurs cibles, ils frappèrent à l’unisson les boîtes qui pendaient à leur ceinture de leur sceau brûlant. Ils entendirent Elza en faire de même, derrière eux.

Le bruit et la lumière révélèrent leur présence aux trafiquants qui s’acharnaient à débarquer des colis de drogue, en douce, sur le port de Hambourg. Les tirs fusèrent rapidement.

Mais la tactique était bien rodée ; Creiseau se mit en première ligne, brandissant son bouclier. Les impacts frappèrent sur le polymère renforcé par la flamme de foudre et la musculature puissante du mafieux finissait d’absorber les chocs.

Une détonation plus forte se fit entendre. Un trait de lumière jaunâtre illumina la droite du blond, décapitant l’une des silhouettes qui se détachaient de la nuit ; ou plutôt, tranchant net son visage en deux, dont la moitié supérieure voltigea loin du corps.

Derrière le blond, William fit tourner les canons de sa machine infernale ; bientôt, l’engin se mit à vomir des traits de lumière pourpre dans un vacarme de fin du monde. Les rais de lumière pourpre zig-zaguèrent et se divisèrent jusqu’au groupe devant eux. La surprise des cible céda rapidement à la terreur, puis à la souffrance lorsqu’ils frappèrent.

Du coin de l’œil, Creiseau perçut un mouvement ; instinctivement, il tira plusieurs fois avec son pistolet dans la direction et vit un reflet métallique s’effondrer.

En quelques minutes, ce fut terminé.

Les flammes et leur maîtrise ne laissaient aucune chance aux petits regroupements de bandits, le jeune homme en savait quelque chose.

Ils rôdèrent quelques minutes dans le coin, pour s’assurer que tout était bien fini. Elza, qui avait entre-temps appelé la police, les rejoint revolver en main et fusil à l’épaule. La plupart étaient au sol, blessés. Ou morts, pour certains. Les autres s’étaient rendus.

Encore une mission menée à bien, fit la dame du groupe, en dégageant une arme de la portée d’un blessé d’un coup de rangers.

La dernière, soupira William en allumant la cigarette de Creiseau avec son briquet frappé du sceau de la famille.

C’est cool, on aura plus à faire avec ton arthrite, au moins, railla ce dernier.

Elza lui jeta un regard outré, mais le vieux eut un sourire amusé.

Tu verras, quand t’auras mon âge. C’est dur, de courir partout à soixante ans.

J’attends de voir, mais faudrait déjà que j’atteigne cet âge vénérable !

Une telle longévité était rare, dans le milieu dangereux des traqueurs de la famille Corenzo. Même si, en général, les criminels qu’ils interceptaient étaient sous-armés, sous-entraînés, en sous-effectifs, il ne suffisait que d’une erreur, dans les quartiers pauvres labyrinthiques, pour finir sous-terre.

Et puis, parfois, les traqueurs devenaient traqués. Cela arrivait surtout aux abords des frontières avec les Taishaka. William, lui, avait fait toutes les missions, tous les fronts. Il avait aussi tout appris à Elza et Creiseau. Et demain, il goûterait à sa retraite, comme on disait dans le milieu ; il passerait désormais ses journées à un travail de bureau.

Les policiers arrivèrent. Ils illuminèrent la scène de guerre avec des projecteurs. Ils furent aussi rapides que les mafieux à faire leur travail ; ils avaient l’habitude. Premiers soins, menottages, constatations, relevés d’identité, mises sous scellés.

À la faveur de la lumière, Creiseau put détailler leurs adversaires. La plupart des têtes lui étaient connues ; leur travail de recherche avait fait ses preuves. Il trouva enfin celui qu’il cherchait. Étendu dans une flaque de sang, arme chromée en main, gisait Paul.

Eh bien, qui l’aurait cru ?, demanda le jeune homme, avec un sourire cynique, au cadavre de son ami.

La balle de Tokarev, puissante, lui avait perforé l’œil et explosé le crâne. Creiseau se dit qu’au moins, l’agonie avait été courte. Il se ravisa en voyant le piteux état des dents et de la peau du cadavre, probable signe d’une longue addiction à la méthamphétamine.

T’as toujours été le crack de l’équipe, lança le blond au cadavre, non sans une grimace aigre.

Des quelques Pirates qui avaient rempilé dans le crime organisé après la descente des Corenzo dans leur repère, il était désormais le dernier en vie. Cinq avaient choisi d’arrêter les frais. Quatre avaient décidé de continuer. Deux ont accepté l’invitation de la grande famille de mafieux justiciers et les ont rejoints. Au fil des années, tous ceux qui tenaient encore une arme avaient fini par la passer à gauche. Sauf lui. Qui était gaucher de naissance.

Bon, on va se boire une bière ?, fit Elza, le tirant dans ses pensées.

Les deux autres se regardèrent et haussèrent les épaules en guise d’acquiescement. Creiseau jeta sa cigarette sur le cadavre de celui qui fut son ami en tournant les talons, lui offrant un simulacre de funérailles viking. Ils se dirigèrent ensuite vers le Hambourgeois Volant, leur refuge où ils avaient leurs habitudes et leurs quartiers.

Ils rentrèrent par la porte grande ouverte. Les discussions se turent l’espace d’un instant, durant lequel tous les regards se tournèrent vers les trois Corenzo. Puis des salutations fusèrent ; çà et là, des groupes de gens levaient leurs chopes à leurs justiciers ou leurs camarades. Cette taverne était un lieu particulièrement lié à la famille depuis que Creiseau et Elza avaient racheté l’endroit ; tout le monde savait ce qui s’y passait.

Le blond, la rouquine et le poivre-sel s’accoudèrent au comptoir. D’un même geste, ils toquèrent sur le vieux bois. Le père de Creiseau se retourna avec un sourire.

Ah ! Salut, moussaillons ! Comment ça s’est passé ce soir ?, leur demanda-t-il en mélangeant une bouteille de liquide à la couleur criarde.

Comme sur des roulettes, fit Elza.

À l’exception près que ton fils est toujours aussi pénible, corrigea William.

Les deux Foxdadt échangèrent un regard amusé, puis ricanèrent ensemble doucement.


L’inconnue lui adressa un clin d’œil mutin en gloussant, mais Creiseau tira son fidèle Tokarev de sa ceinture comme seule réponse. Cependant, les bras encore gourds à cause du choc, il ne fut pas aussi rapide qu’il le souhaitait. Le temps qu’il arme le pistolet, la faucheuse était sur lui. Le Corenzo brandit son bouclier pour se protéger. Le choc fut violent, mais ce n’était qu’un début.

Harnaché dans son armure de kevlar et de titane, il para difficilement le revers qui suivit. Le bouclier vibra, son bras trembla. L’allemand tint bon.

Il continua de tenir bon lorsque son adversaire continua à le matraquer avec le sommet de sa faux. Elle semblait peu soucieuse de lui infliger une blessure rapidement et semblait vouloir le fatiguer, ce qui finit par se produire ; l’allemand commença à faiblir. Sa protection était lourde et son gilet n’arrangeait rien. Plus qu’un simple essoufflement, il souffrait désormais d’une véritable fatigue musculaire. Lorsqu’il fit une erreur, la faux passa juste sur le bord du bouclier et traversa son épaule de part en part. Son ennemie le tira à elle de toutes ses forces. Creiseau, qui essayait de se dégager en grognant, bascula en avant. Il leva le canon du Tokarev et ouvrit le feu devant lui, au jugé.


Creiseau hasarda un coup de pied sur une bouteille qui traînait, manquant le nid-de-poule qu’il visait. Il était d’humeur morose.

Alors t’es où ?, murmura-t-il pour lui-même.

Bien que n’ayant jamais vu l’individu, il le haïssait ; depuis l’enterrement d’Elza, il rêvait de l’étrangler. Des semaines de recherches et d’enquête, dans lesquelles William l’avait épaulé depuis Milan, l’avaient amené à Dresde.

C’était même un travail de grande ampleur, qui avait mobilisé la plupart de ses connaissances. Son père avait demandé aux habitués de rechercher la moindre bribe d’information. Même ses sœurs, de qui il s’était éloigné pour ne pas nuire à leurs carrières, avaient mis à contribution leurs réseaux respectifs ; policier et journalistique.

Bien sûr, la famille avait contribué également de façon plus officielle ; sans être une gardienne, Elza n’était pas n’importe qui et on ne s’attendait pas à ce qu’elle se fasse dessouder en plein territoire allié lors d’une mission de routine ; ces circonstances étaient d’autant plus anormales qu’elles tombaient très mal. Les haute sphères de la pègre étaient en ébullition, en raison de la passation de pouvoir d’une génération à l’autre.

Ravalant sa rage, le blond reprit son rôle de patrouilleur silencieux. Il déambulait dans les rues de la périphérie sud de la ville. C’était, désormais, son domaine. Il allait trouver ce criminel dissident et mettre un terme à son existence. Ce simple constat fit naître de nouveau une grimace féroce sur son visage et une profonde envie de frapper quelque chose. Il se retint, difficilement.

Alors qu’il continuait de ruminer son ressentiment, il se produisit quelque chose qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Il sentit ses poils se hérisser et sa colonne vertébrale se tendre. Un frisson lui parcourut le dos, des hanches à la nuque. Il se délecta un moment de cette sensation si rare. Il chercha, de son regard acéré, ce qu’il avait pu voir ou sentir, sans y faire attention, et qui avait réveillé son instinct animal. Son sens du danger.

Dans la rue, il y avait des vieux, des jeunes, des hommes, des femmes. Dans la rue, il y avait des locaux et des touristes, des piétons et des conducteurs. Mais dans la rue, il n’y en avait qu’un seul comme celui-là. Comme cette femme, qui marchait, les mains dans les poches, la cigarette au bout des lèvres. Cette démarche, Creiseau la connaissait. C’était la démarche de celle qui pensait pouvoir en découdre avec le monde entier. La femme venait de le dépasser.

Son instinct n’était pas infaillible ; parfois il se trompait. Mais pas cette fois. Plissant les yeux, l’allemand discerna un anneau à son doigt. Mentalement, il ressassa les dossiers des quelques Corenzo basés à Dresde jusqu’à ce qu’il soit convaincu qu’elle n’était pas un "faux positif". Inversement, son attitude et le fait qu’elle soit seule collait parfaitement avec le profil établi par l’enquête : un combattant solitaire qui souhaitait probablement prouver sa valeur aux yeux des Taïshakas.

Désormais convaincu, il fit demi-tour et lui emboîta le pas à bonne distance, un sourire carnassier plaqué sur son visage. Il ôta sa paire d’écouteurs, qu’il fourra dans la poche de son jean ; sans vouloir en découdre immédiatement, il accueillait cette possibilité avec beaucoup d’entrain.

Le blond se mit en filature de l’inconnue et commença à la suivre dans le dédale de rues qui serpentaient dans la ville, ses maigres notions de la géographie locale ne suffisant bientôt plus à l’aider à se repérer.


Les balles ricochèrent sur la faux ou se perdirent dans le vide. Creiseau, lui, tomba à la renverse, attaché à son bouclier. Il se jura de ne plus jamais attacher ces foutues lanières, si jamais il aurait un jour l’occasion de le faire. La chute fut amortie par son armure, mais la douleur était bien présente. L’allemand essaya de se dégager de sa protection devenue piège mortel, tout en se contorsionnant comme il le pouvait pour tirer ce qui lui restait de balles. Son sourire habituel s’effaça devant la réalité ; il avait perdu, c’était terminé. Son vénérable pistolet fut fauché d’un coup sec. Il tira sa dernière balle lorsqu’il explosa en pièces au sol, quelques mètres plus loin.

Le criminelle retira lentement sa faux de l’épaule de l’allemand ; la volonté de ce dernier avait vacillé et les flammes de son bouclier avaient perdu en intensité. La lame, dans sa course, avait entaillé la surface transparente.

Puis le fil extérieur de la faux de combat, dégoulinant de flamme de pluie et de sang, le cueillit doucement, presque gentiment, par la gorge ; y diffusant un certain engourdissement. De sa main libre, Creiseau défit la dernière attache puis suivit le mouvement de la lame acérée et se leva, en maintenant la pression sur son épaule en sang. Il essayait péniblement de réfléchir, étourdi. La faux était trop grande, il était trop lent et il était lourdement blessé. Aucun gadget ne pouvait le tirer d’affaire.

Devant lui, la brune savourait sa victoire avec un air sadique ; elle pourléchait ses lèvres fendues, suçotant distraitement le sang qui en perlait. L’allemand observa plus attentivement celle qui l’avait défait. Des traits fins, asiatiques. Un nez court et retroussé, des dents fines pointues.

Pas mal, le félicita néanmoins son ennemie.

Surpris, Creiseau pensa à Elza. C’était peut-être la fin pour lui, mais il se jura avec une détermination féroce que cette demie-portion aux flammes de pluies ne repartirait pas plus d’ici que lui. Il lui répondit un juron en allemand sur un ton poli. Se délectant de l’incompréhension manifeste de son interlocutrice, il formula une phrase dans un japonais tinté de sa langue natale.

S’il y a quelqu’un à féliciter, c’est celui qui a gagné, répondit-il avec un sourire aussi cynique, tout en cherchant la courbe de son bouclier du bout du pied.

Peu peuvent se vanter de me faire courir. Encore plus rares sont ceux qui peuvent me toucher. Sans être le meilleur combat de ma vie, c’était divertissant.

Creiseau ne pipa mot, tout aussi étouffé par la suffisance et l’arrogance de l’individu qu’il n’était concentré sur son bouclier.

Je pense qu’il faut en finir maintenant, continua-t-elle.


Sa cible quitta les allées, pour s’engager sur une place. Il y avait beaucoup moins de monde ici. Beaucoup moins de couvertures. Et malgré son envie de vengeance, il devait rester discret. Si Elza n’avait pas pu faire face, cette femme devait être habile. Creiseau hésita un peu avant de la suivre dans l’espace à découvert. Les deux combattants marchèrent l’un devant l’autre, comme s’ils allaient traverser l’endroit.

Soudainement, elle s’arrêta et alluma une autre cigarette. Le Corenzo se figea en jetant la sienne, prêt.

Elle se retourna ensuite. Lentement. Elle jeta un regard en coin sadique à Creiseau, qui sourit de plus belle. Et puis la femme fit naître une flamme de pluie beaucoup plus grande que ce à quoi s’attendait l’allemand tout en dégainant une faux à double tranchant.


Creiseau acquiesça intérieurement. Il allait en finir. Alors que son menton était toujours captif du fil de la faux, il rassembla toutes les glaires et la salive qu’il avait a disposition et cracha à la face de son adversaire comme autant de mépris.

Surprise, cette dernière voulu l’achever d’un mouvement en réaction, mais le Corenzo avait correctement analysé et prévu son geste ; tout en se reculant, il frappa son bouclier du talon sur sa partie courbe, le propulsant vers le haut. Manquant de peu de le saisir à cause du sang qui recouvrait maintenant ses doigts, il agrippa néanmoins une poignée de sa main valide et se jeta à coprs perdu contre son agresseur en hurlant.

Il projeta tout son être, toute sa volonté et toute sa haine dans son bouclier ; une onde de choc de flammes en partit et frappa l’ennemie de plein fouet. Celle-ci, ne s’attendant pas à la manœuvre, aveuglée par le crachat et déstabilisée par le contact soudain qu’avait imposé Creiseau, voltigea et lâcha son arme lorsqu’elle s’effondra durement sur le pavé de grès.

L’allemand, écume aux lèvres, un voile sombre devant les yeux, se tira vers elle en traînant son bouclier au sol. Alors que l’inconnue reprenait ses esprits, il plaça le bord du bouclier sur son cou et s’appuya dessus de tout son corps. La femme gémit, puis gargouilla horriblement avant qu’un claquement sec ne la fasse expirer.

Creiseau, qui ne tenait debout que grâce à l’adrénaline et à sa volonté, lâcha son bouclier et s’effondra sur ses genoux en tenant son épaule. Il regarda l’autre tressaillir au sol, la traînée bleutée de son anneau se tarissant rapidement. Lorsque les flammes bleues eurent fini de s’évanouir, le mafieux, seul au milieu de la place et inondé son sang, rassembla ses esprits. Il sortit difficilement son téléphone et appela les secours, avant de succomber au néant.







♣Intermission♣



Le mafieux ouvrit les yeux. Prenant soin de continuer à respirer calmement, comme s’il dormait encore, Il sonda rapidement sa chambre d’hôpital avant de se lever. Le jour transparaissait au travers des stores ; c’était le grand jour.

Il se saisit de ses vêtements et les enfila lentement, se délectant de la possibilité de pouvoir enfin se débarrasser une bonnes fois pour toutes de ses fripes de patient. Sitôt vêtu, il étendu et bougea son bras pour faire travailler un peu son épaule ; elle le lançait, mais le chirurgien avait réellement fait des miracles. Il prit une grande inspiration.

Ce séjour aux urgences, Creiseau l’avait pris comme des vacances. Des vacances dont il avait grand besoin pour prendre du recul vis-à-vis de la mort d’Elza et des conséquences que cela avait entraîné. Il ne comptait pas rester traqueur pour les Corenzo toute sa vie et son combat avec la faucheuse brune lui avait ouvert les yeux ; il avait failli y passer parce qu’il s’était montré trop imprudent et irréfléchi dans ce combat, qu’il aurait dû dominer.

En effet, le mafieux était convaincu qu’il aurait aisément pu écraser cette malfaitrice malgré sa flamme importante ; s’il était capable de faire plus, alors il devait faire plus. Ce n’est pas en restant traqueur qu’il pouvait faire plus, alors il devait devenir gardien. C’est avec cette nouvelle détermination en tête qu’il se dirigea d’un pas décidé vers la porte de sa chambre.

Lorsqu’il l’ouvrit, il fut surpris de trouver la jeune chirurgienne qui s’était beaucoup occupée de lui durant ses soins sur le pas de la porte. Elle était visiblement tout aussi surprise, mais ses yeux pétillaient lorsqu’ils se levèrent vers ceux du Corenzo.

Creiseau retint une grimace et s’empêcha de sourire. Il n’était pas dupe et voyait clair dans les émotions de la jeune femme, bien trop présente auprès de lui sans raison valable ; mais il ne voulait pas lui donner de faux espoirs. Il avait vu la douleur du mari d’Elza et de bien d’autres. Il avait vu des amoureux transis se prosterner aux pieds de mafieux intrépides et découvrir avec morosité une vie de couple terne et teintée de craintes. Il savait l’asymétrie émotionnelle que son statut impliquait et ce n’est pas quelque chose dont il voulait profiter, ce d’autant plus alors qu’il choisissait de s’engouffrer corps et âme dans cette voie.

Au-delà de ces questions auxquelles il avait longuement réfléchi et auxquelles il imaginait que la chirurgienne, rationelle, avait également considérées, il voyait dans les yeux de la jeune femme une fascination qui le dérangeait, non seulement parce qu’il ne s’imaginait pas comme quelqu’un de fascinant mais surtout parce qu’il n’éprouvait rien de la sorte pour elle. Il aurait voulu tenter ; profiter d’une embrassade, peut-être même d’un baiser ; de moments de calme langoureux et puis peut-être un jour tout arrêter et la délaisser. Mais Creiseau se refusait à céder à ce caprice égoïste. Il lui adressa un signe de la tête et marcha vers la sortie, la laissant là.




Nota Bene: pas encore Gardien Corenzo, rôle à confirmer dans un roleplay ultérieur
Creiseau Foxdadt
Corenzo
¤Guardiano della Fulmine¤
Humeur noire
Creiseau Foxdadt
Masculin
Citation : Le dormeur doit se réveiller
RP en Cours : /
Double Compte : Pas pour l'instant

Fiche de Personnage
Flamme(s): Foudre (A)
Réputation:
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